Quâest-ce que la motivation ? Peut-elle affecter le climat de classe ? Comment sâexplique-t-elle ? Et surtout, comment motiver les Ă©lĂšves ? Cet article tente de rĂ©pondre Ă ces questions en sâappuyant sur la thĂ©orie de la motivation (la pyramide de Maslow) dĂ©veloppĂ©e par Abraham Maslow.
La motivation, qu’est-ce que c’est ?Â
DâaprĂšs le Larousse, la motivation câest lâensemble des « raisons, intĂ©rĂȘts, Ă©lĂ©ments qui poussent quelqu’un dans son action ».
Dans le cartoon Bip Bip et Coyote, Bip Bip est un oiseau trĂšs rapide qui passe son temps Ă sillonner les paysages dĂ©sertiques tandis que Vil Coyote tente de lâattraper en construisant des piĂšges. Ici, la situation est plutĂŽt simple, Coyote trouve sa motivation dans cette traque car son souhait est de manger Bip Bip. Il est donc motivĂ© par la faim.
Un autre exemple moins Ă©vident ? Le juge Claude Frollo dans Le bossu de Notre-Dame des studios Disney.
Au dĂ©but du film, Frollo songe dâabord Ă se dĂ©barrasser de Quasimodo lorsquâil est encore bĂ©bĂ© puis se ravise. Il finit par lâĂ©lever Ă lâabri des regards pour ne pas commettre de crime qui entacherait son Ăąme. La motivation de Frollo nâa donc rien Ă voir avec Quasimodo mais plutĂŽt avec ses convictions religieuses. Ainsi, nous avons lĂ deux situations oĂč les personnages trouvent leur motivation Ă tendre des piĂšges pour lâun et Ă Ă©lever un enfant pour lâautre dans un but prĂ©cis, dans lâobjectif de recevoir une rĂ©compense.
Lorsque nous agissons, comme ces personnages animĂ©s, parce quâun Ă©lĂ©ment externe vient nous stimuler, on parle de motivation extrinsĂšque. Nous trouvons notre motivation dans des facteurs extĂ©rieurs qui peuvent nous « forcer » Ă agir. Nous allons faire quelque chose dans lâobjectif dâacquĂ©rir un diplĂŽme, de devenir riche ou dâavoir une meilleure condition physique par exemple.
Les élÚves ayant une motivation extrinsÚque sont animés par la volonté des parents de les voir réussir ou encore par des pressions extérieures comme la peur de ne pas avoir de travail plus tard.
A lâinverse, lorsque lâon trouve la motivation de faire quelque chose car cela nous fait plaisir ou nous intĂ©resse rĂ©ellement, alors nous appelons ça la motivation intrinsĂšque.
Encore un exemple ? Le personnage de Forrest Gump tout au long du film éponyme est motivé presque uniquement par une motivation intrinsÚque.
En effet, lorsque Forrest se met à courir pendant trois ans, il ne le fait pas dans un objectif qui impliquerait une récompense. Les journalistes veulent pourtant y voir une raison précise qui conviendrait à leurs lecteurs.
Les Ă©lĂšves qui ont une motivation intrinsĂšque participent au cours car ils ont envie dâapprendre et pas parce quâils y sont obligĂ©s par lâenseignant ou les parents. Ils sont intĂ©ressĂ©s et ont une vĂ©ritable curiositĂ© vis-Ă -vis des apprentissages dispensĂ©s.
Plusieurs modĂšles ont Ă©tĂ© Ă©tablis afin d’augmenter la motivation intrinsĂšque des Ă©lĂšves. La pyramide de Maslow est l’un d’entre eux.
La pyramide de Maslow : une thĂ©orie support de la motivationÂ
La pyramide des besoins est une reprĂ©sentation pyramidale de la hiĂ©rarchie des besoins. Câest une thĂ©orie de la motivation dĂ©veloppĂ©e par Abraham Maslow dans les annĂ©es 1940.
Comme le dĂ©finit la pyramide, chaque besoin doit ĂȘtre rempli avant de prĂ©tendre au suivant. Au bas de la pyramide se trouvent les besoins physiologiques (manger, dormir, etc.) et les besoins de sĂ©curitĂ© (confort, tranquillitĂ©, etc.). On retrouve ensuite les besoins dâappartenance (fraternitĂ©, solidaritĂ© et convivialitĂ©) et dâestime (ĂȘtre reconnu). Au sommet, se trouve le besoin de sâaccomplir (rĂ©alisation de soi) qui engage le plus manifestement la motivation scolaire. La motivation serait suscitĂ©e par le dĂ©sir de satisfaire ces diffĂ©rents besoins.
Lâapproche de cet article est volontairement structurĂ©e en fonction des besoins des Ă©lĂšves, identifiĂ©s en rĂ©fĂ©rence Ă la pyramide de Maslow, puis aux leviers quâont les enseignants pour rĂ©pondre Ă ces besoins.
1. Besoins physiologiques
Les besoins physiologiques peuvent ĂȘtre compris par les besoins âde baseâ, identiques Ă tous : se nourrir, se reposer, se laver, etc. A priori, un enseignant nâa pas la main sur ces leviers. Dans les faits, il existe des dĂ©tails auxquels il peut faire attention, par exemple : l’Ă©lĂšve est-il fatiguĂ© ? Porte-t-il les mĂȘmes vĂȘtements plusieurs jours d’affilĂ©e ? Mange-t-il trop de sucreries pendant les rĂ©crĂ©ations ?
Selon la redondance et la gravitĂ© des dĂ©tails relevĂ©s, lâenseignant a plusieurs actions possibles : envisager avec les personnes ressources lâaction envers la famille et les partenaires extĂ©rieurs, penser Ă la disposition de la classe, aborder quand câest possible la thĂ©matique dans les disciplines enseignĂ©es, Ă©duquer Ă une bonne hygiĂšne de vie, etc.
Dans tous les cas, il doit communiquer avec la famille de lâĂ©lĂšve, les enseignants, le directeur et Ă©ventuellement de mĂ©decin scolaire et lâassistante sociale.
2. Besoin de sĂ©curitĂ©Â
Oublis dâaffaires, recherche reÌcurrente de contact avec lâadulte, isolement dans la classe, dans la cour, victimisation ou agressiviteÌ, discreÌtion excessive, absenteÌisme, retard⊠Sont autant de manifestations qui font allusion Ă la sĂ©curitĂ© des Ă©lĂšves.
Le besoin de sĂ©curitĂ©, câest le fait que tout individu doit se protĂ©ger des dangers : sĂ©curitĂ© physique, santĂ©, etc. Il est autant question de la sĂ©curitĂ© physique que morale.
Lâenseignant doit ĂȘtre attentif : lâeÌleÌve a-t-il reÌgulieÌrement son mateÌriel ? Quels rapports avec ses pairs en classe, en reÌcreÌation ? Est-il souvent absent ? Etc. Puis, lâenseignant peut mettre en place des actions pour lâaider Ă se sentir mieux, par exemple : aider lâeÌleÌve aÌ sâorganiser (mateÌriel, devoirs, etc.), organiser un tutorat entre eÌleÌves, partager des moments de vie commune pour creÌer une histoire commune, mener des actions de socialisation en deÌbut dâanneÌe et autant que de besoin, utiliser lâheure de vie de classe, etc.
Lâenseignant peut sâentourer de personne compĂ©tentes : meÌdecin scolaire InfirmieÌre, assistante sociale Parents, professeurs Encadrement, direction, Atsem, personnels peÌriscolaire RASED, Conseillers peÌdagogiques.
3. Besoin dâappartenance
Ătre Ă©lĂšve, c’est nĂ©cessairement appartenir Ă un groupe social. Rappelez-vous de vos souvenirs dâĂ©cole, et de lâimportance que vous portiez Ă lâannonce des listes de classe le jour de la rentrĂ©e. Cette importance nâest pas anodine, puisqu’en effet le besoin dâappartenance a sa part dâimportance dans le bien-ĂȘtre des Ă©lĂšves. Quelle dĂ©ception cela a pu ĂȘtre dâĂȘtre sĂ©parĂ© de son super copain avec lequel on Ă©tait depuis le CP !Â
Heureusement, les enseignants ont la possibilitĂ© de crĂ©er un esprit de communion entre les Ă©lĂšves pour que chacun puisse prendre place dans le groupe classe. Les enseignants peuvent par exemple rapidement instaurer les travaux de groupe dans leur classe pour permettre aux enfants de sâĂ©couter les uns et les autres et aussi Ă se faire entendre. En groupe, les Ă©lĂšves ont davantage envie de montrer en quoi ils sont nĂ©cessaires au travail et ont aussi la possibilitĂ© de sâappuyer sur les autres et donc de crĂ©er de la solidaritĂ© et de lâentraide. Le besoin dâappartenance peut aussi se faire sentir grĂące Ă son individualitĂ© par exemple. Lorsque les enseignants responsabilisent les enfants, ces derniers se sentent alors importants au sein de la classe. Le responsable de la distribution des cahiers du jour est indispensable Ă la mise au travail, le responsable de la propretĂ© est indispensable au bon environnement de la classe, les chefs de rang sont indispensables au dĂ©placement des Ă©lĂšves, etc. Il est donc primordial que les enseignants offrent aux Ă©lĂšves lâoccasion dâavoir de lâimportance en tant quâĂ©lĂšve au sein dâun groupe. Les enfants qui nâĂ©changent pas avec les autres ou les Ă©lĂšves qui prennent trop de place dans la classe nâont pas les mĂȘmes besoins dâappartenance ou ne les sollicite pas de la mĂȘme maniĂšre. Les interactions sociales et le comportement des Ă©lĂšves au sein de la classe doivent donc ĂȘtre minutieusement observĂ©s pour rĂ©ussir Ă rĂ©pondre aux besoins dâappartenance des Ă©lĂšves.Â
4. Besoin d’estime
Le besoin dâappartenance pousse donc Ă se confronter Ă dâautres enfants. Dâautres enfants vous font parfois sentir au-dessus ou en dessous dâeux. Ne vous souvenez-vous pas de Julie, la jolie camarade qui rĂ©ussissait tout ?
Lâenfant, tout comme lâadulte, doit avoir une bonne estime de lui pour avancer favorablement dans la vie. Pour que les apprentissages soient optimaux et que la motivation reste constante, lâĂ©lĂšve doit pouvoir sâestimer convenablement. Bien sĂ»r, lâestime que lâon se fait de nous-mĂȘme dĂ©pend de lâestime externe (ce quâon est par les autres, les opinions que les autres portent sur nousâŠ) mais aussi de lâestime interne.
Lâestime interne
Ă lâĂ©cole, lâenfant est constamment entourĂ© dâautres enfants appartenant au mĂȘme stade opĂ©ratoire que lui. Lâenfant pourrait ĂȘtre amenĂ© Ă se comparer Ă ses camarades (que ce soit dans les matiĂšres scolaires, dans les prouesses sportives mais aussi dâun point de vue social ou Ă©conomique) et entraver lâestime quâil a de lui.
Avoir une bonne estime de soi, câest avant tout croire en ses capacitĂ©s de rĂ©ussir, avoir confiance en soi et se respecter. Lâenfant mesure son estime en fonction de la conscience quâil a de sa valeur personnelle. Ainsi, lâestime de lâenfant sera juste lorsquâil aura une vision rĂ©aliste de lui-mĂȘme et quâil comprendra quâil a de la valeur mĂȘme sâil peut commettre des erreurs ou quâil est diffĂ©rent de ses camarades. Le comportement de lâenfant dĂ©coule de sa perception de lui-mĂȘme. Â
Lâestime externe
Bien Ă©videmment, lâestime dâun Ă©lĂšve peut ĂȘtre modifiĂ©e (positivement ou nĂ©gativement) par ce quâil peut entendre ou voir autour de lui. Câest pour cela que, nous enseignants, nous devons mettre en place des alternatives pour stimuler au mieux lâestime de chaque Ă©lĂšve.
5. Besoin de s’accomplir et de s’Ă©panouirÂ
Pour rĂ©pondre Ă ce besoin essentiel Ă la motivation, il est primordial de donner lâoccasion aux Ă©lĂšves de rĂ©aliser une tĂąche quâils sont capables de rĂ©aliser seuls. Pour cela, lâenseignant doit prendre soin de varier les supports pĂ©dagogiques. Certains Ă©lĂšves en français seront par exemple plus Ă lâĂ©crit quâĂ lâoral.Â
Une multitude d’occasions peuvent permettre aux Ă©lĂšves de s’Ă©panouir Ă lâĂ©cole. Cela peut se faire en dehors de la classe dans les clubs sportifs et culturels de lâĂ©tablissement dans lesquels les Ă©lĂšves peuvent prendre des dĂ©cisions ou agir en agissant de maniĂšre autonome. Au sein de la classe, lâaffichage des travaux permet la valorisation des Ă©lĂšves. Donner au maximum la parole aux Ă©lĂšves pour exprimer leurs rĂŽles, leurs valeurs et leurs centres d’intĂ©rĂȘts est lâoccasion pour eux de manifester leur plĂ©nitude Ă propos dâun sujet. Les arts plastiques cultivent aussi la crĂ©ativitĂ© des Ă©lĂšves et permettent Ă chacun de s’accomplir par ses aptitudes personnelles.Â
En dĂ©finitive, le but pour l’enseignant est que les Ă©lĂšves soient compĂ©tents dans ce qu’ils entreprennent Ă l’Ă©cole.
Les limites de la théorie de Maslow
Bien que cet article soit fondĂ© sur la thĂ©orie de la pyramide de Maslow on peut y apporter quelques limites. Les besoins de la pyramide de Maslow sont hiĂ©rarchisĂ©s. Toutefois cette hiĂ©rarchie nâest pas applicable Ă tous. Il faudrait prendre en compte le mode de vie, la culture et le niveau social dâun individu. On ne tient pas non plus compte des besoins dâun individu en fonction de sa personnalitĂ©. On peut aussi reprocher Ă Maslow de ne pas avoir soutenu sa thĂ©orie par des donnĂ©es scientifiques et de ne lâavoir fondĂ©e que sur des hypothĂšses. Des recherches scientifiques rĂ©centes en neurologie ont montrĂ© que les besoins dâappartenance et de reconnaissance se trouvent plutĂŽt Ă tous les Ă©tages de la pyramide. Il ne sâagirait donc plus de gravir des niveaux mais il sâagirait de nĂ©cessitĂ©s transversales.
Finalement, la pyramide de Maslow peut sâappliquer Ă tous les domaines … MĂȘme le marketing a repris cette thĂ©orie ! A lâĂ©cole, sâappuyer sur les besoins dĂ©taillĂ©s par Abraham Maslow permet de dĂ©velopper lâautonomie et la motivation des Ă©lĂšves puis favorise le climat de classe.
La vidĂ©o ci-aprĂšs rĂ©sume le lien entre les besoins de la pyramide et le climat de classe et les actions ou leviers que lâenseignant peut actionner.
Il existe bien Ă©videmment dâautres thĂ©ories, par exemple : la thĂ©orie du sentiment dâefficacitĂ© personnel dĂ©veloppĂ©e par Bandura. LâidĂ©e gĂ©nĂ©rale ? Lâimportance de la confiance en soi pour mener Ă bien une activitĂ©. Cette thĂ©orie est dĂ©taillĂ©e dans la vidĂ©o ci-aprĂšs.
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Sources utilisées dans cet article :
- AHEHEHINNOU Patrice Cyrille, 2019, Les diffĂ©rents types de motivation selon la thĂ©orie de l’autodĂ©termination, Centre de Transfert Pour la RĂ©ussite au Quebec, http://rire.ctreq.qc.ca/2019/01/les-differents-types-de-motivation-selon-la-theorie-de-lautodetermination/
- Dossier thĂ©matique Ă©laborĂ© par le DĂ©partement de la Recherche, du DĂ©veloppement, de lâInnovation et de lâExpĂ©rimentation (DRDIE), MinistĂšre de lâEducation nationale, de lâEnseignement supĂ©rieur et de la recherche, Direction gĂ©nĂ©rale de lâenseignement scolaire (DGESCO), 2016, La PersĂ©vĂ©rance scolaire dans le premier degrĂ©.Â
- GOUDET Stephane, 2019, La pyramide de Maslow pour les Ă©lĂšves : de quoi ont-ils besoin pour s’Ă©panouir?, AcadĂ©mie de Dijon. http://cpe.ac-dijon.fr/spip.php?article1160
- MadameMarieEve, 2010, La pyramide des besoins de Maslow d’un point de vue pĂ©dagogique, Blog de MadameMarieEve, https://madamemarieeve.wordpress.com/2010/12/12/la-pyramide-des-besoins-de-maslow-vue-dun-point-de-vue-pedagogique/
- PROT Brigitte, 2013, RĂ©veiller le dĂ©sir d’apprendre, Techno sans frontiĂšres, N°87
- RIEDER Christophe, 2015, La pyramide des besoins de Maslow dans les apprentissages, Better study Swiss Online Education, https://blog.betterstudy.ch/pyramide-besoins-maslow-formation-professionnelle-education.
- VIAU Rolland, 2000, Des conditions à respecter pour susciter la motivation des élÚves, Correspondance, Volume 5 N°3.