Pourquoi aborder l’égalité filles-garçons à l’école : quels sont les enjeux sociétaux ?
Dans quelles disciplines cette question peut-elle être abordée ?
Il est possible d’aborder cette question à l’école à travers diverses disciplines telles que l’Histoire, la géographie, l’enseignement moral et civique ou encore l’éducation physique et sportive.
- En Histoire, il est important d’étudier la place des femmes dans l’Histoire de France mais aussi l’Histoire de la conquête des droits par les femmes via les premiers mouvements féministes jusqu’aux mouvements contemporains. Ces mouvements ont une importance autant internationale comme « Me too » que nationale (ex : Les Lionnes »). L’histoire des arts permet aussi d’analyser la place de la femme et les représentations de leurs caractéristiques physiques et morales au fil des siècles.
- Questionner le monde et l’espace: il est intéressant d’analyser la géographie du genre ; par exemple par la répartition de la cour de récréation entre les filles et les garçons où l’on remarque que les garçons occupent le centre de la cour avec un ballon tandis que les filles restent sur les côtés (reportage dans une cour de récréation: https://www.francetvinfo.fr/societe/inegalite-hommes-femmes-les-prejuges-commencent-des-le-plus-jeune-age_876937.html).
La géographie du genre fait l’objet d’une étude par Édith Maruéjouls, qui intervient dans des écoles afin de faire bouger les lignes : (https://www.sudouest.fr/2019/02/08/agen-une-geographe-du-genre-pour-remettre-de-la-mixite-dans-la-cour-du-college-5804767-3603.php?nic ).
Enfin, certaines mairies souhaitent s’engager dans un mouvement de « dégenrisation » des cours d’école, comme la ville de Grenoble : https://www.youtube.com/watch?v=xfbHXpfoVSM ) - En enseignement moral et civique, le thème de l’égalité filles-garçons (cycle 2 et 3) et femmes-hommes (cycle 3) est présent dans les programmes. Cela participe de l’apprentissage du respect d’autrui, de l’acquisition et du partage des valeurs de la République (dont la tolérance) et de la construction d’une culture civique (normes et valeurs qui orientent la conduite en tant que citoyen). La littérature jeunesse également peut favoriser une approche du thème.
- En éducation physique et sportive, il est primordial de lutter contre les stéréotypes de genre et les idées reçues en proposant des activités qui permettent de les déconstruire, comme par exemple la danse.
Comment sont véhiculés les stéréotypes ?
- Les stéréotypes sont véhiculés à tous les niveaux de la sphère sociale. Cela commence dès la plus jeune enfance, que ce soit par la littérature jeunesse et notamment les contes classiques, mais aussi par le biais du cinéma avec les films d’animations et de la télévision avec les nombreuses publicités genrées.
- Cela est également présent dans la culture musicale avec des paroles ou des clips qui diffusent des images stéréotypées de l’homme et de la femme.
- En société, la femme est représentée de manière toujours bien apprêtée, respectant les dictats de la mode constamment présents dans les publicités, les médias. Ces stéréotypes se retrouvent également dans la sphère privée avec la reproduction souvent inconsciente des schémas familiaux et de cette image respectant les codes de la société patriarcale.
- Ces inégalités entre les sexes sont encore prégnantes dans la sphère économique, politique et publique. Les filles s’orientent souvent vers les métiers du service et délaissent les filières scientifiques, bien qu’elles obtiennent de bons résultats dans ces matières. Les postes à responsabilité sont occupés par un majorité d’hommes et l’écart de salaire à poste équivalent représente plus de 20%. Que ce soit dans le monde de l’entreprise ou politique, les changements pour plus d’égalité sont induits par une législation contraignant les organisations à respecter des quotas.
- Au sein de l’école, ces stéréotypes sont véhiculés au travers des manuels scolaires, toute discipline confondue. Il est donc primordial d’apprendre à nos élèves à prendre un certain recul par rapport à ce qui est proposé dans notre société et dans les livres et à penser autrement en les aidant à se construire leurs propres opinions. De même, le discours et les actes de certains professeurs reproduisent inconsciemment des stéréotypes qui infusent dès lors dans l’esprit des jeunes enfants.
Quelle réalité au sein d’une classe ?
Une expérimentation menée dans une classe de CE1-CE2, en janvier 2021, a permis de faire ressortir des résultats encore très stéréotypés quant à la répartition des tâches ménagères, à la pratique de loisirs et l’exercice de certains métiers. Chaque élève s’est vu attribuer une série de 11 étiquettes portant sur l’un de ces trois thèmes : tâches ménagères, loisirs ou métiers et devait individuellement les répartir dans la colonne : réalisation par “une femme”, “un homme” ou “les deux sans distinction”. Le résultat est saisissant et va à l’encontre de toutes les idées reçues des professeurs qui pouvaient légitimement penser qu’en 2021 l’égalité était un principe acquis chez les jeunes élèves …
Légende pour la lecture des résultats:
Vision très stéréotypée : 5 images ou plus | Vision peu stéréotypée : 1 à 2 images |
Vision moyennement stéréotypée : 3 à 4 images | Vision sans stéréotype : 0 image |
Le débat qui a suivi, par petits groupes de 4 ou 5 élèves, a permis dans la majorité des cas de faire évoluer positivement leurs conceptions initiales, ce qui est encourageant ! La vision du groupe a surtout évolué dans les groupes où il y avait au moins un élève ayant une vision peu ou pas stéréotypée. D’où l’importance d’aborder le sujet des stéréotypes à l’école en confrontant les visions des élèves. Un travail ultérieur sur la déconstruction de ces clichés a permis un retour réflexif sur leurs positions initiales.
La lutte contre les stéréotypes de genre commence dès la maternelle avec par exemple, la possibilité pour les petits garçons de pouvoir accéder au coin cuisine, sans un rejet de la part de leurs camarades féminines.
Quels outils juridiques et institutionnels sont à la disposition des enseignants?
Des outils juridiques et institutionnels sont à disposition des classes, des professeurs, des élèves et de leurs parents pour lutter contre les inégalités liées au genre.
Tout d’abord des lois internationales, européennes et nationales ont été régies dans le but de protéger chaque individu et de gommer les inégalités entre les genres. En parallèle de ces lois, il y a eu une réelle prise de conscience internationale et nationale. En effet, depuis 1977, la journée du 8 mars est consacrée à la journée internationale des droits des femmes. De plus, cette prise de conscience s’est renforcée suite à la libération de la parole et au mouvement Me too (2017).
Ensuite, l’Education Nationale aide aussi à lutter contre ces inégalités :
- en créant un obligation légale de moyens pour l’école, le collège et le lycée à tendre vers une égalité entre les filles et les garçons, notamment du point de vue de l’orientation, des violences sexistes et sexuelles et de l’éducation à la sexualité : Articles L121-1 ; L312-17-1 et L311-4 du Code de l’Education
- en réaffirmant le droit à l’égalité filles-garçons dans l’article 9 de la Charte de la laïcité
- en mettant en place une convention interministérielle pour une durée de 5 ans définissant les objectifs à atteindre au sein de l’école et leur évaluation
- en incluant ce thème dans les programmes d’enseignement moral et civique (Eduscol, programmes cycle 3 EMC page 65) et en encourageant la connaissance du fondement de certains textes européens et internationaux tels que : La Convention européenne des droits de l’Homme et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
- en offrant la possibilité de s’appuyer sur des sites internet (Matilda, Canopé, etc.) et d’utiliser la mallette des parents
- en organisant des concours nationaux et académiques (ex : les Olympes de la parole, Zéro cliché avec le CLEMI, Buzzons contre le sexisme avec la plateforme Matilda, etc.)
- en publiant avec le réseau Canopé, des guides d’activité pour l’égalité filles-garçons dans les trois cycles (« 50 activités pour l’égalité filles-garçons« , Babillot, De La Motte, Pontais et Houadec, Canopé Editions, 2015
- chaque académie de l’Education Nationale a un.e. chargé.e. de missions académiques dans l’égalité filles-garçons, qui sont des leviers en cas de questions des professeurs et qui permettent une formation de ces derniers.
Tous ces outils juridiques et institutionnels peuvent être utilisés en classe et permettent une sensibilisation dès le plus jeune âge à l’égalité des genres.
Bibliographie
Références théoriques
https://www.cairn.info/revue-empan-2007-1-page-89.htm#no3
https://www.cairn.info/revue-apres-demain-2013-2-page-26.htm
https://www.cairn.info/revue-regards-2016-2-page-85.htm
Références juridiques
LOI n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes: https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFARTI000029330849
Articles L121-1 ; L312-17-1 et L311-4 du Code de l’Education
Convention européenne des droits de l’Homme : article 14
Références institutionnelles
EMC Cycle 2 https://cache.media.education.gouv.fr/file/20/34/7/ensel283_annexe21_1120347.pdf
EMC Cycle 3 https://cache.media.education.gouv.fr/file/20/35/5/ensel283_annexe24_1120355.pdf
Plate-forme éducative Matilda https://matilda.education/?fbclid=IwAR3ixdGkbG2BotCpMGx0Qe6L0nYG_ik0JZUZeXsCL0aGI9Dtdp969IPsWjY
Cette plate-forme propose des ressources pédagogiques pour aborder les thématiques de l’égalité entre les sexes, dans tous les domaines. Matilda c’est également un espace collaboratif qui permet d’échanger des idées, des questionnements et des réalisations.
Concours Buzzons contre le sexisme
Marine Thoraval, Alicia Unsal, Jeanne Gosselin, Ninon Lecarpentier.