« La nouvelle génération silencieuse », c’est ainsi que l’on surnomme les enfants nés à l’ère du tout digital. En effet, bercée par les nouvelles technologies, cette génération utilise l'outil informatique tout au long de la journée. C’est pourquoi il apparaît depuis une vingtaine d’années essentiel d’intégrer durablement le numérique dans l’institution scolaire.
Les Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement, appelées communément les TICE, sont des outils pédagogiques (logiciel, outil en ligne, site web, …) ayant l’ambition de former correctement les élèves à l’usage de ces nouvelles technologies.
I)-Le contexte
A- Le numérique à l'école (dans les textes et en pratique)
Envisagée depuis les années 1920, l’entrée des nouvelles technologies à l’école s’est progressivement faite. Depuis 2002, chaque élève se voit décerné une attestation de compétences informatiques, appelée B2i. L’apparition, en 2005, du socle commun de connaissances et de compétences décliné en sept points, indique « la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication ». Cette compétence spécifique est attendue à la fin du collège puisque, depuis 2007, il est obligatoire de la valider afin d’obtenir le Brevet des Collèges.
Aujourd’hui, le numérique est partout dans l’école. Dans le nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture, l’informatique est intégré dans les programmes du premier degré dans un souci de cohérence avec le monde actuel.
De plus, la circulaire n°2012-020 du 26 janvier 2012 spécifie la formation au numérique des enseignants. Le référentiel de compétences indique également une compétence commune pour les professeurs et les personnels de l’éducation : « Intégrer les éléments de la culture numérique nécessaires à l’exercice de son métier ».
Le numérique n’est donc plus enseigné comme une entité d’apprentissage en tant que telle mais il entre au sein même des enseignements. Son usage est alors un enjeu majeur de l’école d’aujourd’hui visant à lutter contre la fracture numérique, des disparités importantes selon les environnements familiaux et à former les élèves à un usage responsable du réseau numérique.
Pour les enseignants, il s’agit également d’une nouvelle dynamique pédagogique. En pratique, dans les classes, il peut y avoir un TBI (Tableau Blanc Interactif) ou des ordinateurs en fond de classe, ce qui est fortement conseillé. Malgré cet élan, il existe une grande disparité selon les écoles. De surcroît, l’enseignant garde sa liberté pédagogique et a donc le choix d’utiliser ou non ces différents outils. Néanmoins, un effet positif de l’usage du numérique à l’école est reconnu par de nombreuses études. Ce sont de nouveaux outils didactiques pour l'enseignant et de nouveaux supports d'apprentissage pour les élèves.
B- Les difficultés de lecture
Nous choisissons ici de traiter les difficultés de lecture dites « courantes » et qui ne relèvent pas du domaine médical. En d’autres termes nous excluons de cette étude les troubles spécifiques du langage (TSL) dont la dyslexie qui est le trouble affectant le plus la lecture. Les difficultés que nous abordons sont celles relatives aux différentes connaissances et compétences mobilisées par la lecture aux différents niveaux de la scolarité primaire.
Il s’agit tout d’abord de difficultés d’ordre linguistique telles que celles liées à la conscience phonologique (capacité à identifier les phonèmes) développée dès la maternelle. Selon le rapport
Lire et écrire de 2015, à l’entrée au CP, 50% des enfants ne réussissent pas plus de 7 items sur les 34 de l’épreuve de phonologie et le taux de réussite n’est que de 10,13% ; il passe à 64,5% à la fin du CP. S’ajoutent les difficultés liées à la conscience alphabétique (capacité à identifier les graphèmes) et au code alphabétique (identification des mots, correspondance graphophonologique et combinatoire). Enfin, parmi les difficultés linguistiques, le lexique est un élément fondamental et on observe de grands écarts en termes de mots connus entre les élèves tout au long de la scolarité.
Par ailleurs, comme la lecture n’est pas que la maîtrise d’un code mais aussi un acte nécessitant la compréhension, d’autres difficultés d’ordre cognitif s’ajoutent à celle sus mentionnées et en découlent le plus souvent. En effet, plus les difficultés linguistiques sont grandes, plus les automatismes sont difficiles à acquérir et moins le déchiffrage est automatisé, moins la compréhension est aisée. Mais les difficultés de compréhension relèvent également de compétences culturelles telles que les notions de types d’écrit et de fonctions des écrits et plus largement de la connaissance que les élèves ont du monde, ce qui renvoie au lexique.
S’il est vrai que les élèves sont censés avoir atteint un niveau expert au cycle 3, il n’en demeure pas moins que certains éprouvent encore des difficultés relatives à la fluence et à la rapidité de lecture. On note enfin des difficultés liées à la capacité à mettre en œuvre des stratégies efficientes et à les réguler en fonction des supports.
II)-Lutter contre les difficultés de lecture par l'intermédiaire des TICE
A- Typologie des ressources
Lorsque nous entendons l’acronyme TICE, nous pensons tout de suite aux logiciels. Cependant, les TICE renvoient dans un premier temps aux différents supports utilisés pour permettre de s’informer et de communiquer dans le cadre de l’enseignement. L’ordinateur est le premier outil informatique à avoir intégré l’école. Depuis peu, il est suivi de la tablette numérique et du TBI (Tableau Blanc Interactif). Ces trois outils sont connectés à internet et l'ordinateur est bien souvent équipé d'un lecteur CD-ROM, ce qui permet aux enseignements et aux élèves d’avoir accès à différentes ressources pour remédier aux difficultés de lecture.
Parmi ces différentes ressources, les plus célèbres sont les logiciels éducatifs proposant des exercices ludiques. Ces logiciels, payants ou gratuits, sont téléchargés sur un ordinateur ou une tablette. Ils s’adressent à un public varié (différents cycles, élèves en difficulté ou non, élèves en situation d’handicap ou non) et, bien qu'accessibles à la maison, ils sont principalement utilisés dans le cadre de l'école. Les exercices proposés ont pour but d’évaluer l’élève, de lui faire faire des exercices d’entrainement, de renforcer ou bien d’initier un apprentissage. Parmi les logiciels les plus connus concernant la remédiation en lecture, nous trouvons:
« Moi...je sais lire », « 1000 mots », « Lectra mini », « Aspimots » ou bien « ELSA ».
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Logiciel d'entrainement à la lecture Lectramini[/caption]
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Logiciel de remédiation à la lecture 1000 mots[/caption]
Autres que les logiciels d’exercices, il existe également les jeux sérieux afin de remédier aux difficultés de lecture. Beaucoup moins démocratisés en classe que les logiciels vus ci-dessus, les jeux sérieux sont bien souvent des jeux de rôle, où l’élève-héros évolue dans un monde semblable ou non au nôtre. Tout comme les logiciels, ces jeux peuvent être payants ou gratuits, ils s’adressent à différents publics et peuvent être pratiqués aussi bien à la maison qu’à l'école.
[video width="1280" height="720" mp4="http://python.espe-bretagne.fr/prodm1vannes/wp-content/uploads/2016/11/imagana-les-clés-du-jeu-de-Mô-séquences-de-jeu.mp4"][/video]
Toujours dans le cadre des TICE ludo-éducatifs permettant de remédier aux difficultés de lecture, il existe le jeu en ligne. Contrairement au logiciel que l’on télécharge et que l’on installe sur l’ordinateur ou la tablette, le jeu en ligne est accessible exclusivement sur internet, il ne nécessite aucun téléchargement.
Cf. http://www.logicieleducatif.fr/index_lecture_sons.php
Tous ces TICE de remédiation à la lecture permettent de travailler les sons, la compréhension, la segmentation et la construction des phrases, le vocabulaire, l’orthographe et la grammaire.
B- Une aide à la différenciation
La différenciation pédagogique est une "démarche qui cherche à mettre en œuvre un ensemble diversifié de moyens et de procédures d’enseignement et d’apprentissage, afin de permettre à des élèves d’âges, d’aptitudes, de comportements, de savoir-faire hétérogènes, mais regroupés dans une même division, d’atteindre par des voies différentes des objectifs communs » (définition proposée par l’inspection générale de l’Education nationale, 1980). Il s'agit pour les enseignants de proposer des activités différentes en fonction des besoins des élèves.
Afin de répondre aux différents besoins des élèves, nous constatons que les TICE et ses différentes ressources peuvent être intéressantes à exploiter lors de l'apprentissage de la lecture dans la classe. Elles permettent de préparer et de mettre en place des situations pédagogiques prenant en compte la diversité des élèves, d'utiliser des ressources adaptées et de différencier les parcours et les vitesses d'apprentissage selon leurs difficultés.
Les logiciels que nous avons vu précédemment, ont été approuvés à plusieurs reprises comme des outils permettant une remédiation aux difficultés de lecture. Ils permettent aux élèves de s’entraîner de façon autonome, ou accompagnée avec un outil interactif et ludique. Ils sont d'autant plus intéressants lorsque l'enseignant peut introduire ses propres données, accéder à des paramétrages et afin de proposer une remédiation individualisée.
La différenciation par les TICE s'opère de façon différente dans les classes selon les enseignants et leur organisation.
III-Regard critique
A- La place de l'enseignant en question
Comme nous l’avons vu précédemment, l’institution se montre explicitement en faveur de l’intégration des TICE à l’école. Toutefois, certains enseignants ne partagent pas cette orientation. Alors que le ministère considère les TICE comme une source de plus-values y compris au niveau des relations entre enseignant et élèves (favoriser l’interactivité au sein de la classe, accompagner les élèves par des échanges après la classe ou encore individualiser l’enseignement et l’apprentissage) [1], une partie du corps enseignant craint jusqu’à la disparition de sa profession, pointant du doigt une déshumanisation de la société. Ainsi, à l’approche de la rentrée 2016,
L’Observateur donnait la parole à quelques signataires de l’Appel de Beauchastel dans un article titré « Contre « l’invasion numérique » à l’école, ces enseignants entrent en résistance »
[2], évoquant une guerre des technosceptiques contre les transformations en marche du système éducatif. Dans le texte, l’Appel de Beauchastel est une critique acerbe du plan numérique mis en œuvre par François Hollande. Les arguments y sont autant d’ordre économique que pédagogique et écologique ; l’accent est mis sur la dégradation des relations humaines et les impacts négatifs sur les apprentissages. L’un des enseignants interrogé affirme ainsi : « Les TIC sont présentées comme la panacée aux problèmes d’apprentissage et au désinvestissement supposé de l’école par les enfants et adolescents. Je pense au contraire que ces prétendus remèdes aggravent les maux qu’ils sont censés combattre ».
Dans un article un peu plus ancien, Chritine Vaufrey, pionnière des MOOC (Massive Online Open Course) en France, résume avec clarté la situation
[3]. Elle explique en effet que les TICE ne représentent un danger pour le corps enseignant que si elles sont envisagées comme telles et donc employées de manière inappropriée, déstabilisant la relation pédagogique. Au contraire, si elles sont mises « au service d'activités créatives qui cassent la routine, sont valorisées dans l'espace public, permettent aux apprenants de faire preuve d'habiletés habituellement peu sollicitées dans le travail scolaire », les TICE améliorent cette relation. Comme de toutes choses il s’agit avant tout d’en faire un usage raisonnable et raisonné.
B- Les autres limites
Il convient de s’interroger sur les avantages de l’utilisation des outils numériques dans la pratique de classe. Il est clair qu’une manipulation de l’informatique par les enfants leur permet de s’imprégner des logiciels, des outils informatiques mais aussi de développer des compétences et un vocabulaire autour du monde du numérique, dans lequel ils baignent en dehors de l’école. L’inclusion du numérique à l’école à travers le TNI ou des salles informatiques, permet de réduire une fraction sociale exercée en dehors de l’école (respect du principe d’égalité des chances). L’école à pour objectif que les élèves soient responsables de leurs actes: il existe une charte informatique que les enfants doivent signer pour utiliser les ordinateurs. Cette charte consiste en un règlement d’utilisation de la salle informatique et prévoit des sanctions si les règles sont enfreintes. Ainsi, la charte permet de sensibiliser les jeunes à une utilisation responsable et citoyenne des TICE. Du point de vue de l’enseignant, le TNI représente un gain de temps considérable, car ce que l’enseignant note au tableau peut être sauvegardé, réexploité lors de d’autres séances, ou l’année scolaire suivante. Les élèves sont aujourd’hui de plus en plus friands d’images. Eric Charbonnier, expert de l’éducation à l’OCDE confiait en septembre 2015 au journal 20 minutes que « Le numérique n’est pas la solution miracle à l’école. Tout dépend de la façon dont on fait travailler les élèves avec ». Intégré à l’école, le TNI apporte une solution ludique et pédagogique à l’enseignant pour proposer des exercices colorés, animés et permet de varier contenus et supports. En ce sens, il aide les élèves en stimulant divers moyens mémoriels: la vue, le toucher (la manipulation tactile sur le TNI), et l’ouïe. Les TICE en classe doivent permettre la différenciation, notamment celle de la vitesse d’apprentissage qui varie d’un élève à un autre. Ainsi, l’effet immédiat du TNI permet à l’enseignant d’intervenir en direct sur une erreur commise par un élève au tableau, de proposer une remédiation adaptée à la situation. Il demeure cependant une interrogation autour de la remédiation à tous les types de difficulté, notamment aux enfants atteints de “dys” ou de troubles de l’attention. L’intégration des TICE dans l’univers scolaire n’a pas remporté un franc succès chez tous les professionnels de l’enseignement. En effet, certains enseignants qui ne sont pas à l’aise avec l’informatique ont dû s’adapter et recevoir des formations pour exploiter le TNI. Les futurs enseignants reçoivent aujourd’hui une formation à l’utilisation des TICE au cours de leur formation initiale (B2I, C2I, formation au numérique dans les ISFEC et ESPE), sans pour autant pouvoir manipuler le TNI. Se pose ensuite la question de la surexposition des enfants aux médias (à l’école et dans la sphère familiale) qui risque de les plonger, comme le pense Slah Edine Ben Fadhel, docteur en psychologie, dans un monde construit à partir d’images, affectant ainsi leur capacité à distinguer le réel de l’irréel. Il devient de plus en plus complexe de stimuler le processus créatif des élèves habitués à recevoir des images et non à en produire. On peut donc se demander si l’école, en voulant donner un accès égal à tous les élèves au monde du numérique, ne conditionne pas les élèves à n’apprendre et à ne se satisfaire que d’images?
[1] Document Eduscol : Le développement des usages des TICE
[2] http://rue89.nouvelobs.com/2016/08/29/contre-linvasion-numerique-a-lecole-enseignants-resistance-264989
[3] http://cursus.edu/article/6077/les-tice-concurrentes-alliees-enseignant/#.WGp1ofk182x
Bonjour,
Quelle était la formation des maîtres autrefois?
Bonjour Chloé, nous espérons que tu nous pardonneras ce long temps de réponse mais nous devions nous pencher sur la question car elle nécessitait des recherches complémentaires.
En 1833, la loi GUIZOT crée les Écoles normales de garçons et stipule : « Tout département sera tenu d’entretenir une École normale primaire soit par lui-même soit en se réunissant à un ou plusieurs départements voisins.»
En 1879, deux Écoles Normales sont obligatoires dans chaque département : une pour les instituteurs et une pour les institutrices.
En 1920, l’enseignement doit être expérimental : pas de discours, pas d’enseignement livresque mais des observations et expériences.
En 1940, un recrutement par concours annuel est mis en place, les candidats reçus entrent ensuite en classe de seconde aux lycées et collèges comme boursier, une fois leur baccalauréat obtenu, ils reçoivent un an de formation professionnelle.
En 1969, la formation post-bac passe à deux ans, avec un droit d’accès à des cours en faculté.
En 1979, est créé le DEUG mention « enseignement du premier degré »
En 1989, la Loi Jospin d’orientation sur l’éducation induit la création d’un Institut Universitaire de Formation des Maîtres (IUFM) dans chaque académie et organise le recrutement au niveau bac + 3 qui est suivi d’une année année professionnelle en IUFM.
C’est la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 qui prévoit la suppression des IUFM qui cèdent leur place aux Écoles Supérieures du Professorat et de l’Éducation le 1er septembre 2013.
Pour plus de détails, tu peux te référer aux sites ci-dessous :
Histoire de la formation des enseignants – Site ESPE de l’académie de Créteil
La formation des professeurs des écoles avant 1914 – Persée
Regards sur la formation des maitres en France – Journal Open édition
Le développement des écoles primaires à la fin du 19e – L’histoire par l’image
Selon vous, l’école va-t-elle encore évoluer ?
Bonjour Lucie !
L’évolution est inévitable pour l’École puisqu’elle est une micro-société, par conséquent, si la société évolue l’École en fait de même.
Actuellement, l’École doit évoluer pour répondre aux nouvelles problématiques de notre société. Elle prend en compte notamment les nouvelles expériences qu’offrent le numérique : les réseaux sociaux et le cyberharcèlement, les TBI, les classes mobiles,l’apprentissage du code informatique…
Face à l’augmentation des étrangers et par conséquent des allophones, l’École s’adapte, elle différentie, elle écoute, elle réfléchit à de nouvelles solutions.
Depuis la loi sur le handicap en 2005, l’École continue de s’adapter, de prendre en considération ces personnes qui étaient jusque là exclues du système éducatif dit classique.
Par ailleurs, l’École se base sur les avancées de la neuroscience pour évoluer, elle prend en compte les travaux sur le développement et le cerveau de l’enfant.
Enfin, il est important de rappeler que l’École est une institution de la République ; elle dépend du ministère de l’Éducation en place et évolue donc à chaque changement de ministère.