Le numérique à l’école maternelle : quels usages pour quels effets ?

Le numérique à l’école maternelle

Quels usages pour quels effets ? 

La « Génération zapping » est aujourd’hui dans nos classes, comment peut-on faire du numérique une opportunité pour l’apprentissage en maternelle ?

Dans notre société 2.O, les “digitals natives” représentent un enjeu majeur pour l’école. Avec ⅔ des ménages équipés de numérique et d’un accès internet, la problématique de l’éducation au numérique entre dans les salles de classe, forcée de suivre l’évolution technologique. Effectivement, dès leur plus jeune âge, les enfants sont en contact avec les nouvelles technologies. L’école doit donc avancée avec cette nouvelle génération 2.0 et leur donner des repères pour en comprendre l’utilité et commencer à les utiliser de manière adaptée. Concernant ces nouvelles technologies, les avis divergent et notamment lorsque ce numérique s’introduit dès l’école maternelle. Nous pouvons, dès lors, nous poser la question suivante : « Comment utiliser les nouvelles technologies à l’école maternelle ? ». En utilisant plusieurs articles et ouvrages sur ce thème, nous nous intéresserons à ce que la recherche nous apporte à ce sujet. Puis nous vous proposerons quelques exemples de l’utilisation du numérique en classe de maternelle.

Info : une  vidéo du chercheur Serge Tisseron nous semble intéressante et permet d’introduire notre sujet. Nous vous invitons à prendre 5 minutes pour la visionner.

I – Les recherches, entretiens et interviews de professionnels.

     1. Ce que disent les programmes

Dans les programmes de 2016 pour le cycle 1, l’enfant doit savoir utiliser les supports numériques. Les objectifs et les modalités d’usage doivent être mis au service d’une activité d’apprentissage.

  • Mobiliser le langage dans toutes ses dimensionsÀ partir de la moyenne section, et régulièrement en grande section, l’enseignant explique la correspondance des trois écritures (cursive, script, capitales). Les enfants s’exercent à des transcriptions de mots, phrases, courts textes connus, à leur saisie sur ordinateur.
  • Agir, s’exprimer, comprendre à travers les activités artistiques : Ce domaine se réfère au arts numériques entre autres.
  • Explorer le monde : De la petite à la grande section, les enfants apprennent à relier une action ou le choix d’un outil à l’effet qu’ils veulent obtenir : manipuler une souris d’ordinateur, agir sur une tablette numérique… Dès leur plus jeune âge, les enfants sont en contact avec les nouvelles technologies (tablette numérique, ordinateur, appareil photo numérique…). Des recherches ciblées, via le réseau Internet, sont effectuées et commentées par l’enseignant

Dans ces nouveaux programmes, il est indiqué que l’élève doit savoir utiliser les supports numériques qui, « comme les autres supports, ont leur place à l’école maternelle à condition que les objectifs et leurs modalités d’usages soient mis au service d’une activité d’apprentissage ». Le numérique à l’école maternelle apparaît, dans les programmes, comme une évidence tant son utilisation est présente dans chaque domaine d’apprentissage.

En maternelle, le numérique n’est pas une discipline à proprement parler, c’est un outil que l’on peut utiliser pour travailler de nombreuses compétences. C’est un outil transversal que l’on peut utiliser dans tous les domaines du programme du cycle.

      2. Ce que disent chercheurs et professionnels

Dans un rapport sur la réussite scolaire des enfants âgés de 2 à 11 ans, datant de 2017, l’institut Montaigne recommande l’usage de tablettes numériques dès la maternelle. Pourtant, l’idée est loin d’être partagée par tous leurs confrères tant chercheurs que professionnels de l’éducation. Selon ce rapport, ce dernier démontre que le numérique peut répondre aux défis qui se posent au système scolaire, car il permet d’individualiser l’enseignement en fonction des progrès comme des difficultés de chaque élève. Le numérique permet aussi d’utiliser les données recueillies pour améliorer les performances du système éducatif, mais aussi de favoriser l’autonomie et la créativité des élèves. L’institut Montaigne préconise d’équiper chaque école avec huit tablettes pour trois classes.

Notre ancien président de la République, quant à lui, a dit à plusieurs reprises qu’il souhaitait faire entrer l’école dans l’ère du numérique. François Hollande a affirmé que l’introduction du numérique devait être une « ambition nationale » pour que la France devienne un pays leader de « l’e-enseignement », celui-ci voyant le numérique comme un moyen de lutter contre les inégalités. Le numérique est l’élément clé de la refondation de l’école, la diffusion des usages du numérique dans l’enseignement constitue un puissant levier de modernisation, d’innovation pédagogique et de démocratisation du système scolaire. Elle est également un formidable outil d’inclusion des enfants en situation de handicap. La direction du numérique pour l’éducation assure la mise en place et le déploiement du service public du numérique éducatif. Elle dispose d’une compétence générale en matière de pilotage et de mise en œuvre des systèmes d’information. Par son origine, son ambition, ses missions et son organisation, elle incarne la stratégie numérique du ministère, un enjeu majeur pour l’école et la réussite des élèves.

Nous vous proposons dès à présent de visionner l’avis de deux professeurs des écoles concernant le numérique à l’école maternelle (et au cp).

Contrairement aux professionnels précédents, l’OCDE, dans un rapport PISA publié l’année dernière, les liens entre accès aux outils du numérique à l’école maternelle et bons résultats scolaires sont loin d’être évidents. Le numérique à l’école aurait même, toujours selon l’OCDE, une « incidence sur la performance des élèves mitigée, dans le meilleur des cas », précise l’étude. « Les pays qui ont consenti d’importants investissements dans les TICE dans le domaine de l’éducation n’ont enregistré aucune amélioration notable des résultats de leurs élèves en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences, pointe le rapport. Autre constat, les nouvelles technologies ne sont pas d’un grand secours pour combler les écarts de compétences entre élèves favorisés et défavorisés. » Toujours selon l’OCDE,  l’introduction des écrans auprès des tout-petits est vivement déconseillée. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a mis en garde. « Avant 3 ans, l’enfant se construit en agissant sur le monde: la télévision risque de l’enfermer dans un statut de spectateur à un moment où il doit apprendre à devenir acteur du monde qui l’entoure. » Le CSA va même plus loin: « L’exposition passive à des images diffusées sur un écran peut au contraire freiner le développement du tout-petit enfant. »

Dans la Silicon Valley, les cadres paient très cher pour inscrire leurs enfants dans une école sans écrans et limitent l’usage des tablettes à la maison, mais pour quelles raisons?

Le facteur clé qui justifie cette réticence est la conviction qu’ont les parents que non seulement la technologie n’est pas utile en classe, mais divertit les élèves, les détourne du savoir. Les concepteurs des machines que sont Google, l’IPAD ou encore eBay sont parfaitement conscients du phénomène d’addiction qu’ils créent et veulent en préserver leurs enfants.

Les grands patrons de la Silicon Valley protègent leurs enfants de leurs propres produits. Pas d’iPad pour les enfants de Steve Jobs. Alors, comme nous le pensions tous : non, la maison de Steve Jobs ne ressemblait pas à un palace technologique où chacun déambulait avec un iPhone. Chris Anderson, l’ancien rédacteur en chef du magazine américain Wired et actuel PDG de 3D Robotics, limite l’utilisation des appareils technologiques et gadgets par ses enfants. Sa règle n°1 ? Jamais d’écran dans la chambre à coucher.

Une école non connectée au cœur de la Silicon Valley? Evidemment, au sud de San Francisco, la Waldorf School of the Peninsula, une école à la pédagogie alternative, délivre un enseignement sans aucun outil technologique. Pas d’écran en vue, seulement des livres, du papier et des crayons. De nombreux enfants d’employés d’eBay, Google, Apple et Yahoo! y sont scolarisés

II – Les usages de la tablette numérique à l’école maternelle

  • Découvrir l’écrit
  • Se préparer à apprendre à lire (reconnaitre les lettres, les syllabes, les symboles, mettre en relation des sons et des lettres, former des mots)
  • Se familiariser avec l’écrit (découvrir les supports de l’écrit, contribuer à l’écriture des textes) Apprendre les gestes de l’écriture (activité de graphisme, écrire des lettres, son prénom, des mots simples)
  • S’approprier le langage : échanger, s’exprimer (chanter, dire une poésie, raconter une histoire, acquérir du vocabulaire, créer des livres numériques)
  • Ecouter, comprendre des histoires (livres interactifs, histoires à écouter)
  • Découvrir une langue étrangère Découvrir le monde
  • Découvrir les quantités et les nombres (découvrir les chiffres, apprendre à dénombrer de petites quantités)
  • Découvrir les formes et les grandeurs (trier, organiser, catégoriser, reconnaitre et nommer les formes géométriques, mémoriser) Se repérer dans l’espace ( puzzles, reproduire un modèle, s’orienter)
  • Se repérer dans le temps
  • Découvrir les objets, la matière, le vivant (reconnaitre des animaux, des objets, reconnaitre des sons d’animaux)
  • Percevoir, sentir, imaginer, créer Arts visuels (dessiner, colorier, décorer, créer, prendre des photos et des vidéos, découvrir des oeuvres plastiques)
  • La voix, l’écoute (écouter des bruits, des sons, de la musique ; jouer avec sa voix, s’enregistrer, s’entendre ; jouer, créer de la musique ; découvrir les instruments
  • Pour les enseignants Créer et gérer des ressources, retoucher des images, créer des exercices, synthèse vocale
  • Le numérique est également un outil pour les relations famille-élève-enseignant, pour la co-éducation : Blogs, ENT, Twittclass entre autres.

Le numérique est aussi un outil non négligeable dans le rapport aux autres, dans la communication avec les parents et entre les écoles. Il permet d’ouvrir l’environnement fermé de la classe au monde extérieur. L’ENT (environnement numérique de travail) avec le blog, offre un accès privilégié et sécurisé aux parents et aux enseignants. Cela permet aux parents de se tenir au courant des activités faites par leur enfants en classe, des événements marquants ou sorties. Les enseignants peuvent donc partager avec les familles des images et vidéos dans un cadre privé et sécurisé. De plus, les parents d’élèves peuvent aussi utiliser cette plateforme numérique comme moyen de correspondance avec l’enseignant. On peut aussi retrouver le cahier de texte avec les devoirs à faire, le coin des élèves,… Cela favorise la transparence et donc favorise l’apprentissage au sein de la classe

 

III – Les effets du numérique à la maternelle

Il faut savoir que 90% des enseignants interrogés dans le cadre d’un sondage de Savoir lire estiment que le manuel numérique leur permet de mobiliser l’attention de toute la classe.

1. L’impact de l’usage des technologies numériques sur les apprentissages des élèves : qu’en dit la science ? 
Le Café pédagogique présente une étude de Jean Heutte publiée dans la révue Spirale en 2008. Nous revenons sur l’un des articles de Jean Heutte car cette recherche scientifique est l’une des rares concernant l’impact de ces technologies sur les résultats des élèves.
Les principaux résultats de l’étude sont les suivants:
– Les élèves habitués à l’usage du numérique en classe réussissent significativement un meilleur apprentissage à long terme et ce indépendamment du type de support.
– Les élèves habitués à l’usage du numérique en classe comprennent plus vite et mieux ce qu’ils lisent.
– Les connaissances et les résultats scolaires ont significativement progressé pour les élèves habitués à l’usage du numérique.

Cette étude met en évidence que l’usage du numérique en classe participe à une amélioration des résultats scolaires des élèves de l’école élémentaire en générale.

2. Les apports des TICE
Le rapport de la mission parlementaire de Jean-Michel Fourgous, sur la modernisation de l’école par le numérique « Réussir l’école numérique » consacre un chapitre aux apports des TICE dans les apprentissages.
Kulik décrivit en 1994 les effets suivants :
– Les élèves développement des attitudes positives par rapport à leur travail
– Les élèves apprennent davantage en utilisant un ordinateur
– Les élèves acquièrent les savoirs en moins de temps : Dans 29 des 32 études mesurant le temps requis pour exécuter une tâche, il est noté que les élèves utilisant un ordinateur ont mis un tiers de temps en moins.
Selon certains scientifiques, les outils numériques permettent à l’élève de développer sa capacité d’argumentation et son objectivité et ce sur trois plans : « le cognitif, le psychomoteur et l’affectif ».

Nos propos ce sont appuyés sur le Rapport sur la modernisation de l’école par le numérique de Jean-Michel Fourgous.

Pour Domique Borne, le numérique doit permettre d’éviter une parcellisation du savoir. A l’occasion du séminaire « Numérique et manuels scolaires & universitaires « , ce dernier à cependant annoncé quelques mises en gardes :

– Le numérique à l’école maternelle n’est pas forcément un plus. Il faudrait lutter contre la volonté d’être attrayant. Il ne faut surtout pas que l’enseignement ressemble aux jeux électroniques que les élèves pratiquent.
– Il ne faudrait pas que le numérique remplace l’enseignant ou lui dicte un enseignement. Il faut au contraire que cela lui permette de gagner en autonomie et en inventivité pédagogique. 

Source : Dépêche AEF n° 465494, 04/10/2004

3. Le numérique à l’école maternelle, des effets également négatifs? 

La recherche montre que tous les outils numériques n’ont pas que des effets bénéfiques sur les apprentissages, voire dans certains cas engendrent des effets négatif, c’est en tout cas ce qu’indique le Conseil National d’Évaluation du Système SCOlaire (Cnesco) dans son rapport d’une conférence tenue en mars 2017, et intitulée « Comment adapter l’enseignement pour la réussite de tous les élèves ? ».

« Les aspects négatifs du numérique sont plus nombreux que les positifs », jugeait ainsi Karine Mauvilly, co-auteure de l’ouvrage Le Désastre de l’école numérique – Plaidoyer pour une école sans écrans, début 2017. « Aucune étude ne démontre un meilleur apprentissage avec les objets numériques. On généralise un plan sans base scientifique, quand le rapport PISA 2012, revu en 2015 sous l’angle de la numérisation des systèmes scolaires, montre que plus les enfants sont derrière un ordinateur à l’école, plus leurs performances en compréhension de l’écrit chutent. Plus les élèves regardent un écran, moins ils comprennent ce qui est écrit dessus », ajoutait-elle.

Serge Tisseron, dès 2012, souhaite mettre en garde et accompagner les parents quant à l’usage du numérique, tant au niveau personnel qu’à l’école. C’est donc pour cela qu’il a créé la règle « 3-6-9-12″. Mais qu’est-ce que signifie cette règle?

Mais que signifie au juste la règle « 3-6-9-12 » ? Rappelons la brièvement

1. Pas d’écran avant 3 ans, ou tout au moins les éviter le plus possible. Parce que de nombreux travaux montrent que l’enfant de moins de trois ans ne gagne rien à la fréquentation des écrans.

2. Pas de console de jeu portable avant 6 ans. Aussitôt que les jeux numériques sont introduits dans la vie de l’enfant, ils accaparent toute son attention, et cela se fait évidemment aux dépens de ses autres activités. En outre, avant que l’enfant ne sache lire, les seuls jeux possibles sont sensori moteurs et basés sur la stéréotypie motrice

3. Pas d’Internet avant 9 ans, et Internet accompagné jusqu’à l’entrée en collège
L’accompagnement des parents sur Internet n’est pas seulement destiné à éviter que l’enfant y soit confronté à des images difficilement supportables. Il doit lui permettre d’intégrer trois règles essentielles : tout ce que l’on y met peut tomber dans le domaine public, tout ce que l’on y met y restera éternellement, et tout ce que l’on y trouve est sujet à caution parce qu’il est impossible de savoir si c’est vrai ou si c’est faux.

4. Internet seul à partir de 12 ans, avec prudence. Là encore, un accompagnement des parents est nécessaire. Il faut définir avec l’enfant des règles d’usage, convenir d’horaires prédéfinis de navigation, mettre en place un contrôle parental.

Enfin, si la règle « 3-6-9-12 » est nécessaire, elle n’est pas suffisante à elle seule. Cadrer le temps d’écran, et cela à tout âge, est essentiel. Entre 3 et 5 ans notamment, les enfants n’ont rien à gagner à passer plus d’une heure par jour devant un écran. Par ailleurs, ils doivent bénéficier d’une éducation qui leur permette de comprendre les conditions de production des divers médias et leurs modèles économiques. C’est le rôle de l’institution scolaire de les leur donner.
Les écrans doivent être encadrés dès l’enfance et l’enfant éduqué aux médias.

 

Aujourd’hui, les avis divergent encore, alors restons méfiants (ou connectés, selon les opinions!).

Bérénice, Frédéric, Juliette & Sarah.

 

Ex M1

3 thoughts on “Le numérique à l’école maternelle : quels usages pour quels effets ?

  1. article intéressant

  2. Leslie BEBERT

    Vous mettez en évidence des points positifs et négatifs pour l’utilisation du numérique en maternelle. Alors conformément aux programmes officiels où son utilisation est recommandée, quelle fréquence d’utilisation proposeriez-vous pour une classe de maternelle ? Vous auriez un exemple de situation ?

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