François BARBE master 1 gr3

pâté en boîte

Pour créer cette oeuvre, qui prend place dans la thématique générale de « dessin et peinture » du premier semestre d’art plastique, j’ai retenu une manière de dessiner par découpage et de composer un tableau propre à la peinture avec un travail autour de l’idée du cadre. J’ai été intéressé par l’utilisation de matériel photographique et publicitaire pour la force symbolique qu’ils dégagent dans l’imaginaire du créateur et du spectateur.  

A partir de cette première thématique, j’ai défini le projet de créer un monde imaginaire et d’expression libre en y plaçant le visage d’enfant (qui serait celui de l’élève en situation de production). En séquence de classe une contrainte serait de présenter la production dans un premier grand cadre : à la manière d’un tableau (avec un intitulé à déposer sur le bas une fois l’oeuvre faîte) ;  et une seconde d’y insérer un second cadre, avec un effet de perspective linéaire cette fois (diminution de la partie la plus « éloignée »). Une troisième contrainte serait d’exprimer une espèce de contraste entre le contenu du premier et le contenu du second cadre.

J’ai essayé au passage – en suivant le projet d’une expression libre – de produire une oeuvre nommée « pâté en boîte » qui va dans le sens d’une critique de la société moderne de  surconsommation et d’idolâtrie à l’heure du tout-numérique.

J’ai procédé à l’aide d’une paire de ciseau et de colle sur des images que j’ai récupéré dans les magazines publicitaires pour la plupart, mais aussi des affiches d’événementiel et de trois photographies imprimées.

Sur le plan didactique:

Le questionnement qui serait soulevé avec notre projet serait de savoir si le découpage (de photographies, de dessins au feutre ou de feuilles peintes) serait toujours du dessin. Qu’est-ce que dessiner?

Aussi, c’est la composition propre à la peinture qui serait problématisée avec la notion de plan, de symétrie/dissymétrie, les notions interrogées seraient aussi celles d’agencement et d’organisation de l’espace d’une feuille. L’équilibre d’une oeuvre ou « tout se tient » serait étudié sur d’autres oeuvres pour en comprendre l’effet et l’intérêt esthétique, mais aussi le contraste et la rupture qui peuvent l’accompagner.

L’usage d’une expression contrastée sera exigé entre ce qui se trouve dans le grand cadre et ce qui se trouve dans le petit cadre. Comme j’ai pu le faire en opposant la mer au désert dans mon oeuvre.  Les idées de complémentarité, d’opposition et de différence seront donc abordées: sur le plan des couleurs (blanc/noir, bleu/rouge,…), des formes (anguleux/courbe, point/ligne,…), des idées (beau/laid, gentil/méchant,…).

La contrainte d’insérer un second tableau dans le tableau, oblige à réfléchir sur la notion de profondeur, de perspective et de proportionnalité dans la mesure où il sera demandé de faire apparaître le second cadre « dans le sens de la profondeur ». Ce cadre permet d’aborder ces questionnements à partir d’un élément assez simple: un rectangle. On abordera alors la question de savoir ce qu’est un cadre: qu’est-ce qu’un cadre? Quelles sortes de cadres d’images existent? (…miroir, fenêtre, tableau, écran de télévision et d’ordinateur)

La liberté laissée une fois respecter le « cadre » de départ donne alors une large place à l’expression personnelle, qui est importante pour susciter la motivation des enfants. Il ne s’agirait pas de reproduire quelque chose mais d’inventer ! Le cadre deviendra une fenêtre ou un miroir, en tous les cas une ouverture sur leur imaginaire.

La mise en situation pédagogique:

Dans le cadre d’une première séance, l’on pourrait proposer à des élèves de cycle 3 cette activité « d’encadrement  d’un cadre » qui pourrait s’appeler « se faire une tête encadrée » ou un « miroir imaginaire ».

La première étape serait celle de prendre le visage de chaque élève en photo de telle manière qu’il se « mette en scène » comme il le souhaite, avec une grimace ou une mimique. Pour trente élèves, cette étape peut prendre 15mn à 20mn. Ce sera le travail de l’enseignant de les imprimer, et les élèves découperons leur tête par la suite à partir de l’impression de l’imprimante papier. Ce procédé de prise de photo numérique et d’impression papier sera proposé aussi aux élèves pour insérer des objets divers dans leur composition.

Ensuite, il faudra construire ou choisir un fond de décor. L’enseignant aura préparé des supports de « fond » que seront des affiches de paysage récupérées, ou bien des feuilles à peindre de manière assez simpliste, pour obtenir un paysage, un arrière plan assez rudimentaire. Autour de celui ci sera déposé une bande noire épaisse de quelques centimètres qui représentera le « grand cadre » du tableau. Cette étape durera environ 30mn.

Alors l’étape suivante sera de créer l’autre cadre dans le cadre. Pour cela un tatônnement sera permis quelques minutes avant d’essayer une méthode plus rigoureuse avec des outils de calculs mathématiques qui permettront à l’élève d’obtenir un cadre avec des proportions qui donnent l’effet de perspective et de profondeur exigé. Cette séance de mathématique appliquée pourra être couplée avec d’autres séances de complément, il faudra au minimum compter une heure  en fonction des outils que l’enseignant veut mettre en place et de sa manière d’aborder la résolution du dimensionnement du cadre. Les exigences seront de poser le petit cadre « debout », en dessinant les côtés de gauche  et de droite parallèles (les verticales) mais de longueurs différentes,  et les côtés du dessus et du dessous non parallèles mais de même longueur, de manière à obtenir un trapèze (exercice de construction géométrique à l’aide d’une règle et d’un compas). Il faudra décider à l’avance d’un coefficient de réduction (par exemple en voulant passer d’une taille de 6 à 5, c’est à dire une réduction d’un sixième) entre les longueurs des côtés verticaux pour l’appliquer à l’épaisseur du cadre de part et d’autre (exercice de calcul arithmétique).

Après les calculs, sera réalisé le petit cadre en 30mn avec son épaisseur de bordure et prêt à être installé. Seulement il sera bien rappelé qu’on ne colle l’ensemble des éléments (à part le premier grand cadre) qu’à la fin, après avoir disposé l’ensemble de la manière voulue en laissant le temps d’une dernière vérification par les élèves de l’organisation de leur oeuvre avant de la fixer définitivement.

A partir de là, les élèves auront un temps défini d’1 heure pour découper des images (qu’ils auront pu ramener de chez eux, récupéré eux-mêmes), dessiner en découpant et penser en même temps à la manière dont ils veulent organiser leur oeuvre et comment ils veulent réaliser un contraste entre le contenu du grand cadre et celui du petit cadre.

Il sera proposé aux élèves de jouer avec le second cadre, voire avec le premier aussi, en l’utilisant soit comme une fenêtre, une porte, un autre tableau, un écran de télévision, une simple ouverture, les objets pouvant en sortir, le traverser,…

Certains rapprochements de l’oeuvre produite ci dessus avec celles d’artistes renommés peuvent être faits.

On retrouve notamment la composition de tableaux à partir de découpages de photographies et de publicités chez deux artistes Dadaïstes comme  »Ce qui rend les intérieus actuels si différents et si acueillants  » de Richard Hamilton en 1959 :

Richard-Hamilton- pop art -1959

http://www.artnet.fr/artistes/richard-hamilton/%C5%93uvres-d%E2%80%99art

http://www.le-pop-art.com/richard-hamilton.html

Dans lequel on remarque la présence de nombreux cadres: téléviseur, peinture, tableau, fenêtre. On note la perspective linéaire au niveau de l’escalier ou de la fenêtre, ainsi qu’un contraste entre des éléments noir et blanc et d’autres en couleur.

ou encore « la belle jeune fille »  Hannah Höch en 1920:

La belle jeune fille - Hannah Höch - 1920

Pour en savoir plus sur le mouvement DADA :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Dada

Ici aussi on note des compositions de découpages qui prennent la forme de véritables tableaux, et qui par ailleurs utilisent des symboles et des images de publicité qui en s’associant apportent un nouvel éclairage, une nouvelle dimension à ceux-ci. Par le décalage de la décontextualisation et des associations surprenantes, ces oeuvres sont des reflets de la société moderne et d’un imaginaire collectif. Dans ce second tableau on peut remarquer la présence d’une nouvelle entité-unité, qui est l’assemblage final d’éléments hétéroclites au centre du tableau et qui semble vouloir dire quelque chose tout ensemble. On peut ici demander à des élèves quels sont les différents objets et personnages représentés. Comment sont ils associés? A quoi ces assemblages vous font penser? Qu’est-ce que vous voyez? Quels sont les éléments en lumière, ceux dans l’ombre ? A quoi cette oeuvre vous fait penser ?

D’autre part, un rapprochement peut être établit entre la manière dont j’ai voulu jouer avec le cadre dans le cadre et la « représentation comme pure représentation » (Michel Foucault, Les mots et les choses) du tableau de Velasquez (« les Menines » – 1656) où l’effet saisissant est que le spectateur intègre d’une certaine façon le tableau puisqu’il est regardé par les personnages et comme au centre de l’attention de ceux-ci. Mais aussi, le rapport de la représentation et du représenté y est démultiplié, avec la présence de cadres multiples: le cadre de l’oeuvre,  du peintre, du miroir, de la porte.

Velasquez -Les Menines -1656

Un lien pour rentrer en connaissance de l’oeuvre de Velasquez : http://www.pedagogie.ac-nantes.fr/1222352580252/0/fiche___ressourcepedagogique/&RH=1204876964609

Ici on peut interroger les élèves sur les types de cadres présents et leurs particularités, sur l’organisation du tableau. Mais aussi bien sûr demander qui est regardé et peint par le peintre du tableau? (Nous? D’autres personnages? Où apparaissent les modèles?) Qui sont les différents personnages qui apparaissent? Comment sont-ils mis en scène? Quels sont les personnages en lumière, ceux dans l’ombre ? A quoi cette oeuvre vous fait penser ?

Autorisation accordée pour diffusion sur le super blog.

2 réflexions sur « François BARBE master 1 gr3 »

  1. La situation pédagogique évoquée est bien trop complexe et fastidieuse pour des élèves de primaire. Une approche plus ludique « jouer avec le cadre, cadrer pour surprendre, donner à voir autrement »…paraît plus attractive. En revanche tes parallèles avec Velázquez, Hamilton ou höch sont bien posés. Je me doutais que tu avais du lire Foucault !
    Explique encore: « On note la perspective linéaire au niveau de l’escalier ou de la fenêtre »…Tu veux dire une ligne de fuite qui monte au sommet de l’escalier? Auquel cas il s’agit d’une représentation de l’espace à un point de fuite.
    Pascal BERTRAND

  2. Entendu. Je parlais de la perspective linéaire dans le sens où elle évoque il me semble l’utilisation de la diminution des dimensions pour un effet d’éloignement. Mais là c’est trop technique pour moi… Je crois comprendre l’idée de point de fuite : c’est que toute parallèle « réelle » sera nécessairement représentée et construite sur un tableau (qui veut respecter les règles de la perspective) par l’utilisation d’un « point de fuite », c’est à dire un point de convergence de ces parallèles. C’est bien cela ?

    BARBE François

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